Coup de tonnerre sur AirBnb: restriction drastique des conditions de la location touristique de courte durée

Civ. 3ème, 18 févr. 2021, pourvoi n°17-26.156 ; Civ. 3ème, 18 févr. 2021, pourvoi n°19-13.191 ; Civ. 3ème, 18 févr. 2021, pourvoi n°19-13.462

La solution

Par trois arrêts rendus le même jour, publiés sur son site internet et faisant l’objet, chacun, d’un communiqué de presse, la Cour de cassation vient consacrer le pouvoir des communes d’intervenir pour réguler la location de courte durée. A Paris et dans les communes « sous tension », on ne peut, sans autorisation de la commune, louer plus d’une fois dans la même année un local à usage d’habitation à une clientèle de passage.

Les communes regagnent un avantage substantiel dans le bras de fer qui les oppose aux plateformes de location de courte durée (type AirBnb) et à leurs usagers.

Au sens de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH), qui est jugé conforme à la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, deux courtes locations d’un même local à usage d’habitation, durant la même année, constituent un changement d’usage, qui n’est possible que sur autorisation de la commune du lieu de l’immeuble.

Cette solution est applicable dès lors qu’un logement meublé est loué à plus d’une reprise au cours d’une même année, pour une durée inférieure à un an (à la nuitée, à la semaine ou au mois), à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale.

Les données du litige

La règle fixée par l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH) est claire : « le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est (…) soumis à autorisation préalable ». Cette autorisation relève du pouvoir de la commune, représentée par son maire.

Et depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, le texte dispose en son dernier alinéa que :

« Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».

Ce texte, qui s’applique dans les communes de plus de 200.000 habitants et dans les départements limitrophes de Paris, permet au maire d’assurer l’équilibre indispensable entre logement, activités de bureaux ou activités commerciales (lesquelles peuvent s’exercer dans des locaux destinés à l’habitation). Le propriétaire qui loue un local à usage d’habitation doit, s’il veut le louer de manière répétée pour de courtes durées, à une clientèle de passage, obtenir une autorisation de changement d’usage (de la même manière que s’il voulait transformer son local en bureaux…). Il ne s’agit plus d’habitation mais de location touristique.

L’usage (qu’il ne faut pas confondre avec la destination de l’immeuble, qui est une notion de droit de l’urbanisme) distingue ainsi, d’une part l’habitation, d’autre part les autres usages.

La Cour de cassation rappelle à l’occasion que l’usage d’un local est fixé à la date du 1er janvier 1970, et que la preuve d’un usage d’habitation ultérieur est inopérante (solution déjà donnée par Civ. 3ème, 28 mai 2020, pourvoi n°18-26.366).

La question, qui était donc de savoir dans quelle mesure la location répétée de courte durée constituait un usage distinct de l’habitation, imposait une réponse sur plusieurs points : la solution de l’article L.631-7 du CCH était-elle conforme à la directive ? Que fallait-il entendre par « courte durée » et par location « répétée » ?

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation vient de préciser la réponse, en donnant raison par trois fois à la Ville de Paris, du moins sur l’essentiel, contre deux sociétés civiles et un couple de particuliers qui louaient leurs appartements sur des plateformes de type AirBnb.

Le droit français conforme à la directive « services » de l’Union Européenne

Afin de savoir dans quelle mesure le maire disposait du pouvoir de limiter cet usage, la Cour de cassation avait pris soin, par un précédent arrêt du 15 novembre 2018 (pourvoi n°17-26.156), d’interroger la Cour de justice de l’Union Européenne par une série de questions préjudicielles. Il s’agissait de savoir si la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s’appliquait à la location de courte durée (donc, s’il s’agissait bien d’un service), et si la directive ne s’opposait pas à un régime d’autorisation tel que celui mis en œuvre par l’article L.631-7 du CCH.

En effet, dans un système d’économie libérale, la directive n’admet pas que l’exercice d’une activité de services soit soumise à une autorisation administrative, sauf par exception et à des conditions strictes. Une exception est admise par les 9 et 10 de la directive, qui permet un régime d’autorisation, qui ne doit pas être discriminatoire, qui doit être justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et être proportionné à cet objectif, et dont la mise en œuvre doit être encadrée.

Par un arrêt du 22 septembre 2020 (C-724/18 et C-727/18), rendu dans l’une des trois affaires soumises à la Cour de cassation, la CJUE a considéré que la directive était bien applicable à l’activité de location en meublé de courte durée. Elle a également jugé que la directive ne s’opposait pas à un système d’autorisation, tel que celui mis en œuvre par l’article L.631-7 du CCH.

La CJUE a, en effet, considéré que l’objectif de garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables pouvait conduire à soumettre l’activité de location meublée de courte durée à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes, où la tension sur les loyers est particulièrement marquée. La CJUE a ainsi admis que cette solution était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, et qu’il n’existait pas d’autre solution possible…

Forte de cette décision, la Cour de cassation vient ainsi de juger que l’article L.631-7 du CCH, qui confie au maire le pouvoir d’autorisation, était conforme aux articles 9 et 10 de la directive. C’est la conséquence attendue de l’arrêt de la CJUE.

Précisions sur l’article L.631-7 du CCH

La Cour de cassation a par ailleurs précisé que la « courte durée » devait s’entendre d’une durée inférieure à un an (hormis le cas d’un bail consenti pour 9 mois au moins au profit d’un étudiant, du bail mobilité de un à dix mois, et de la location, pour une durée maximale de quatre mois, du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur).

S’agissant enfin de la répétition de la location, la Cour considère qu’il suffit de deux locations dans une même année : la dualité de locations suffit à constituer une répétition.

Conséquences pratiques

La location d’un local à usage d’habitation, par l’intermédiaire d’une plateforme de type AirBnb, dans les communes pour lesquelles est applicable l’article L.631-7 du CCH, n’est possible qu’après autorisation de changement d’usage, dès lors que cette location intervient plus d’une fois dans la même année.

Sans présumer des décisions des maires des communes concernées, on peut supposer que les autorisations seront particulièrement rares. Les effets néfastes de la location de courte durée, tant sur la location classique au profit d’habitants pérennes, que sur la tranquillité des immeubles en copropriété, sont souvent soulignés.

Sans autorisation de changement d’usage, il ne reste possible de louer pour une seule période de moins d’un an (à un seul locataire ou groupe de locataires donc, car sinon il s’agit de deux ou plusieurs locations). Cette faculté intéressera uniquement les propriétaires d’appartements à usage d’habitation (la sous-location étant interdite) souhaitant, pour une période de vacance, louer celui-ci pour une période unique inférieure à un an (pour une ou plusieurs nuitées ou semaines consécutives).

Les sanctions pour le contrevenant sont lourdes : une amende civile pouvant atteindre 50.000 € (versée à la commune) et l’obligation de restituer aux lieux leur usage d’habitation sous astreinte.

L’agent commercial ne doit pas nécessairement disposer du pouvoir de modifier les prix des biens ou prestations de son mandant

Com., 2 déc. 2020, pourvoi n°18-20.231

Cet arrêt de revirement, dont la solution n’est pourtant pas une surprise, intéressera tous ceux qui exploitent une activité sous le statut d’agent commercial (art. L.134-1 et suivants du code de commerce), dans l’ombre d’un mandant omnipotent ou, du moins, dominant.

Rappelons que l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux.

L’agent commercial bénéficie d’un statut protecteur garanti par les dispositions précitées, qui résultent de la transposition de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.

Encore faut-il, pour bénéficier de cette protection, pouvoir être qualifié d’agent commercial, indépendamment des termes du contrat, qui ne lient pas le juge.

Il s’agissait donc ici de savoir si l’agent commercial devait, pour être qualifié comme tel, disposer d’un pouvoir de négocier, dans le sens de « modifier » le prix des biens ou services proposés par son mandant.

Et la question se pose, comme dans l’arrêt étudié, lorsque l’agent commercial ne dispose d’aucun pouvoir de négocier les prix des biens ou services qu’il doit commercialiser pour son mandant. Tel est le cas lorsque le mandant arrête ses tarifs de manière fixe.

Jusqu’à son arrêt du 2 décembre 2020, la Cour de cassation considérait que l’agent qui ne disposait d’aucune marge de négociation sur les prix des biens ou services de son mandant n’était pas un agent commercial (on citera les deux arrêts rappelés par la Cour : Com., 14 juin 2005, pourvoi n°03-14.401 -pouvoir de négocier ; Com, 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.290 -pas de pouvoir de négociation, ainsi que Com., 19 juin 2019, pourvoi n°18-11.727).

Cependant, par un arrêt du 4 juin 2020 (C-828/18), la Cour de Justice de l’Union Européenne, saisie d’une question préjudicielle par le tribunal de commerce de Paris, est précisément venue décider que « l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition ».

C’est donc très logiquement qu’au vu de cet arrêt, qu’elle rappelle, la Cour de cassation a elle-même modifié sa jurisprudence, et complété la définition d’agent commercial prévue par l’article L.134-1 du code de commerce en énonçant que :

« doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ».

On notera au passage que la Cour de cassation étend logiquement la solution de la CJUE à l’agent chargé de commercialiser des prestations de services, et non pas seulement de vendre des marchandises.

Le pouvoir de modifier les prix ne participe donc pas de l’essence du contrat d’agent qui doit négocier des contrats, de manière indépendante et permanente.

Cette solution rassurera les membres de nombreux réseaux de distribution ou de commercialisation, sous statut d’agents commerciaux, qui ne disposent pas toujours du pouvoir de modifier le prix de la prestation de leur mandant, et qui bénéficieront désormais du statut d’agent commercial.

Ces réseaux se déploient dans des domaines très divers, et notamment dans celui de la vente immobilière, pour lequel un agent immobilier peut créer un réseau de conseillers, qui sont ses agents commerciaux sans être eux-mêmes agents immobiliers au sens de la loi Hoguet du 2 janvier 1970. Si certains réseaux laissent une grande liberté à leurs agents commerciaux sur la négociation des commissions, d’autres sont plus rigides et le contrat d’agent commercial relève alors parfois du contrat d’adhésion…

22 déc. 2020

L’acquisition d’un immeuble par prescription trentenaire par le titulaire d’un titre de propriété non publié

Civ. 3ème, 17 déc. 2020, pourvoi n°18-24.434

C’est une affaire à rebondissements sur laquelle vient de se prononcer la Cour de cassation. L’enjeu : savoir si le titulaire d’un titre de propriété immobilière non publié peut invoquer sa possession de l’immeuble depuis plus de trente ans contre celui dont la propriété sur le même immeuble est reconnue par un titre régulièrement publié…

L’affaire débute en 1961 : le propriétaire d’une parcelle vend une partie de celle-ci à un propriétaire de parcelles voisines, par acte sous seing privé. L’acquéreur prend possession de la parcelle vendue, qu’il utilise comme parking desservant un restaurant, mais décède avant la régularisation de l’acte authentique. Ses ayants droit obtiennent un jugement valant vente en 1976, confirmé par arrêt d’appel irrévocable en 1980 (rendu sur renvoi de cassation).

Ce jugement valant vente n’est jamais publié, mais la parcelle est occupée par les bénéficiaires du jugement.

Par la suite, les ayants droit du propriétaire initial (qui avait vendu la parcelle litigieuse en 1961), vendent de nouveau ladite parcelle, par acte du 23 août 1995, à une société Prevalim. Cette société publie son titre de propriété.

Ainsi, la parcelle a été vendue deux fois : d’abord à un premier acquéreur qui n’a jamais publié son titre de propriété mais occupe effectivement la parcelle, ensuite à un second acquéreur qui a publié son titre mais qui, par hypothèse, n’occupe pas la parcelle.

Quelques années plus tard, en 2013, la société Prevalim fait assigner les occupants de la parcelle litigieuse pour les faire condamner à libérer les lieux.

Ces derniers, qui n’ont pas publié leur titre de propriété résultant de l’arrêt d’appel de 1980, se prévalent alors de la possession de la parcelle, qu’ils occupent depuis 1961…

Comment régler ce conflit de propriété entre en possesseur trentenaire et un propriétaire titré ?

La cour d’appel de Lyon, par un arrêt du 4 septembre 2018, estime que l’occupant de la parcelle aurait dû publier son titre, résultant de l’arrêt d’appel de 1980 et que, ne l’ayant pas fait, il ne peut se prévaloir de la possession trentenaire. La cour d’appel accueille ainsi la demande d’expulsion formée par la société Prevalim, second acquéreur.

La cour d’appel a, en effet, considéré que les deux titres étant soumis à la publicité foncière, celui qui avait été effectivement publié devait l’emporter. Et elle juge ainsi que celui qui dispose d’un titre non publié ne peut se « rattraper » en invoquant les règles de la prescription acquisitive trentenaire.

La Cour de cassation ne l’entend cependant pas ainsi, et censure l’arrêt de la cour de Lyon.

Au visa des articles 712 et 2272 du code civil, elle rappelle simplement que « la prescription trentenaire peut être opposée à un titre ». Le premier texte prévoit que « la propriété s’acquiert aussi (…) par prescription », tandis que le second dispose (al. 1er) que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».

Ainsi et en définitive, l’absence de publication d’un titre de propriété ne prive pas son titulaire du droit d’invoquer la prescription acquisitive, s’il en réunit par ailleurs les conditions (ce que devra déterminer la cour d’appel de renvoi dans cette affaire).

Le 17 déc. 2020

L’occupant d’une chambre en EHPAD n’en est pas le locataire

Civ. 3ème, 3 déc. 2020, 2 arrêts (pourvoi n°20-10.122 ; pourvoi n°19-19.670)

A l’occasion de deux dossiers présentant des faits voisins (et dramatiques), la Cour de cassation énonce, par deux arrêts du même jour, que le régime du contrat de bail, résultant des articles 1713 et suivants du code civil (à défaut de statut spécial), est inapplicable au contrat de séjour dans un établissement accueillant des personnes âgées.

Dans le premier arrêt (pourvoi 20-10.122), un incendie s’était déclaré dans la chambre de l’occupant d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Dans le second arrêt (pourvoi n°19-19.670), l’incendie était survenu dans un appartement dépendant d’une résidence pour personnes retraitées, dont l’occupant avait péri.

Dans les deux cas, l’occupant avait conclu un contrat de séjour, au sens de l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles, pour l’un avec l’Ephad, pour l’autre avec la résidence de services.

La question soumise à la Cour de cassation était très claire : un tel contrat, qui porte à la fois sur la jouissance d’un logement et sur des services à la personne, plus ou moins nombreux, peut-il s’analyser, au moins pour partie, en un bail ?

L’enjeu était ici de savoir si l’occupant pouvait être considéré comme un locataire et, comme tel, présumé responsable de l’incendie survenu dans les lieux « loués », sauf preuve contraire (comme le prévoit l’article 1733 du code civil).

La Cour de cassation tranche par la négative : le contrat de séjour exclut le statut du bail. La Cour régulatrice écarte ainsi la position des deux cours d’appel (Caen et Reims), qui avaient considéré qu’une application distributive du contrat (bail et prestation de services) pouvait être opérée.

Dans l’affaire ayant donné lieu au second arrêt, les prestations complémentaires (à la mise à disposition des lieux), qui consistaient en un service de repas, un dispositif d’alarme et des animations, étaient pourtant facultatives…

La Cour de cassation affirme ainsi un régime unitaire, dès lors que la convention, quelles qu’en soient les modalités, est un contrat de séjour.

Les retraités peuvent ainsi continuer de fumer au lit sans inquiétude.

11 déc. 2020

Une commune n’est pas liée par une clause de révision des droits de place prévue dans une DSP pour en augmenter le tarif

Le Parisien, 26 octobre 2020

Par un arrêt n°18PA00723 du 20 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de PARIS a confirmé le jugement du 28 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de MELUN a annulé, d’une part, l’augmentation de 30% du tarif des droits de place facturé à chaque commerçant non sédentaire pour l’occupation de son emplacement sur le marché de la Commune de CHOISY LE ROI et, d’autre part, la redevance de stationnement, qui constitue l’accessoire des droits de place.

Dans cette affaire, la Fédération nationale des marchés de France et le syndicat des commerçants non sédentaires de la Commune de CHOISY LE ROI, qui lui est affilié, avaient contesté la faculté que s’était reconnu le concessionnaire, de prévoir une augmentation du tarif des droits de place par simple application du contrat de délégation de service public conclu entre la Commune et la société LES FILS DE MADAME GERAUD, concessionnaire du marché municipal.

Selon les stipulations de l’article 25-1 de cette DSP relatives à la « fixation et révision des droits de place », le contrat de DSP avait prévu « qu’une nouvelle présentation et conception de la grille tarifaire sera mise en œuvre au 1er janvier 2012. L’évolution des tarifs sera fixée comme suit :

– pour les années 2011, 2012, 2013 les tarifs augmenteront de 4 % par an

– pour l’ouverture des nouveaux marchés et au plus tard au 1er janvier 2014, les tarifs augmenteront de 30 %. Au 1er janvier 2014, pour les marchés des Gondoles la hausse sera de 4 % ».

Pour écarter l’application de cette clause, le Tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel ont appliqué une jurisprudence constante du conseil d’Etat suivant laquelle   » seul le conseil municipal est compétent pour arrêter des modalités de révision de droits de nature fiscale tels que les droits de place perçus dans les halles, foires et marchés (…) que ces modalités de révision ne peuvent résulter des stipulations impératives d’un contrat passé par la commune » (CE, 17 octobre 2016, VILLENEUVE LE ROI c/ Les fils de Madame GERAUD, 398.131).

Dès 2011, dans une affaire impliquant le même concessionnaire – comme dans la décision commentée – le Conseil d’Etat avait déjà reconnu un caractère impératif à la clause du contrat d’affermage dès lors que la Ville s’obligeait à équilibrer le manque à gagner pour le concessionnaire résultant [de l’éventuel refus de la Ville de mettre en œuvre la clause de variation] et à lui verser une compensation financière égale à la différence entre le total des perceptions annuelles effectivement constaté et celui qui aurait résulté de l’application de la clause de variation (CE, 9 mai 2011, Sté les FILS DE MADAME GERAUD c/ Commune de PERSAN, n°341118).

Suivant cette jurisprudence, prévoir dans le contrat de concession, une alternative à l’application de la clause fixant les modalités d’évolution des tarifs des droits de place, n’est pas de nature à retirer à cette clause, son caractère impératif qui contrevient, en toute hypothèse au principe suivant lequel les droits de place ne peuvent varier en fonction d’une clause contractuelle.

 

Malgré cette solution constante depuis 2011, rendue à l’égard d’une même entreprise concessionnaire, il semble que les clauses de variations aient la vie dure, en méconnaissance d’une règle pourtant d’ordre public suivant laquelle le tarif des droits de place et de la redevance d’animation qui en est l’accessoire, relèvent de la seule la compétence du conseil municipal (dans le même sens : CE, 9 mai 2011, LE RAINCY, 341.117 ; 19 janvier 2011, ORLY, 337.870).

 

Promesse synallagmatique de vente non régularisée par acte authentique : point de départ du délai de l’action en résolution de la vente

Civ. 3ème, 1er oct. 2020, pourvoi n°19-16.561, (P+B+I)

En 2010, une SCI vend un terrain sous conditions suspensives à une société immobilière du Département de la Réunion. La promesse synallagmatique prévoit une date de régularisation par acte authentique, après levée des conditions, au plus tard le 30 avril 2010. La vente ne sera jamais régularisée.

Un peu plus de 5 ans après la date prévue pour la signature de l’acte authentique, en mai 2015, la SCI assigne l’acquéreur en résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts. La prescription de son action est soulevée en défense.

Si le délai de l’action, 5 ans, n’est pas discuté (art. 2224 du code civil), le point de départ de ce délai, comme souvent, est litigieux. Le texte précité prévoit en effet que le délai court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant » d’exercer l’action.

L’acquéreur soutenait ainsi, avec succès devant la cour d’appel, que le délai avait commencé à courir dès le lendemain de la date limite fixée pour la signature, soit le 1er mai 2010. A cette date, en effet, le vendeur devait savoir que la vente ne serait pas régularisée, et en tirer les conséquences pour en demander la résolution avec dommages et intérêts. En suivant cette analyse, l’action engagée fin mai 2015 est donc prescrite.

La Cour de cassation a néanmoins censuré l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis, en considérant que la connaissance que pouvait avoir le vendeur du refus de l’acquéreur de réaliser la vente n’était pas caractérisée. Il appartiendra ainsi à la cour d’appel de renvoi de vérifier, concrètement, à quel moment le vendeur avait été informé du refus de l’acquéreur de régulariser la vente.

Cet arrêt privilégie ainsi une recherche in concreto de la connaissance effective, par le vendeur, du refus de l’acquéreur de régulariser la vente, plutôt qu’une appréciation in abstracto de cette connaissance, qui résulterait du seul dépassement de la date contractuellement fixée.

La solution est de bon sens, puisque le simple dépassement de la date fixée initialement pour la signature de l’acte authentique ne correspond pas toujours à un refus de l’acquéreur de régulariser la vente. Ce dépassement résulte souvent de contingences matérielles conduisant à un report de quelques jours ou semaines.

Sur un plan pratique, la solution doit engager les parties, et particulièrement le bénéficiaire de la promesse qui ne souhaite plus acquérir, à manifester leurs intentions de manière claire, pour faire courir le délai de prescription. Or, trop souvent, vendeur comme acquéreur préfèrent rester dans une ambiguïté qu’ils estiment prudente sur leurs intentions quant au contrat.

6 oct. 2020

Le Ministère de la Justice condamné à payer les cotisations sociales de 27 interprètes-traducteurs

Dalloz Actualités, 1er septembre 2020

Par jugements du 14 août 2020 du Tribunal judiciaire de Paris (Pôle social – contentieux de la protection – ex. TASS), l’Etat a été condamné à régulariser sur 5 ans les cotisations sociales qu’il aurait dû régler à 27 interprètes du ministère de la Justice au titre des missions qu’ils ont accomplies en qualité de collaborateur occasionnel du service public (COSP). 

Dans ces affaires, le tribunal a considéré que les interprètes relevaient de la catégorie des COSP et devaient par suite, bénéficier du décret du 17 janvier 2000 faisant obligation à l’Etat, « employeur » de leur verser les cotisations sociales, salariales et patronales, afférentes aux rémunérations versées pour leurs missions d’interprétariat.

Selon le tribunal, « le terme collaboration -occasionnelle- aurait du, devait et doit s’entendre comme l’activité non
permanente de l’interprète-traducteur qui peut être requis par l’autorité judiciaire, 24 heures sur 24, à tout moment de la journée et de la nuit, comme ne pouvant pas l’être pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines« .

Cependant, le tribunal ayant estimé que la prescription quadriennale leur était opposable, certains interprètes ont contesté de ce chef la décision du 14 août 2020 à l’appui d’un appel interjeté devant la Cour d’appel de PARIS.

Cession de fonds de commerce sur le domaine public municipal : que prévoit le code général des collectivités territoriales ?

Article L2224-18 du CGCT

Les articles 71 et 72 de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite Loi PINEL, relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, concernent « l’utilisation du domaine public dans le cadre de l’exploitation de certaines activités commerciales ».

L’article 71 codifié à l’article L2224-18-1 du CGCT qui fixe le régime juridique des transmissions d’emplacements situés sur les halles et marchés, dispose  :

« Sous réserve d’exercer son activité dans une halle ou un marché depuis une durée fixée par délibération du conseil municipal dans la limite de trois ans, le titulaire d’une autorisation d’occupation peut présenter au maire une personne comme successeur, en cas de cession de son fonds. Cette personne, qui doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés, est, en cas d’acceptation par le maire, subrogée dans ses droits et ses obligations.

En cas de décès, d’incapacité ou de retraite du titulaire, le droit de présentation est transmis à ses ayants droit qui peuvent en faire usage au bénéfice de l’un d’eux. A défaut d’exercice dans un délai de six mois à compter du fait générateur, le droit de présentation est caduc. En cas de reprise de l’activité par le conjoint du titulaire initial, celui-ci en conserve l’ancienneté pour faire valoir son droit de présentation.

La décision du maire est notifiée au titulaire du droit de présentation et au successeur présenté dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Toute décision de refus doit être motivée ».

Cet article reconnait au titulaire d’une Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) délivrée pour un emplacement situé dans une halle ou un marché, un droit de présentation au Maire, d’un successeur, « en cas de cession de son fonds de commerce ».

L’article L2224-18-1 ne pose qu’une seule condition à l’exercice du droit de présentation : le successeur doit être immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).

Le second alinéa du même article définit les modalités de transmission du droit de présentation aux ayants droit en cas d’incapacité, de retraite ou de décès, lesquels peuvent en faire usage au bénéfice de l’un d’entre eux.

2. Date d’entrée en vigueur du dispositif

Le conseil d’Etat et la Cour de cassation divergent sur la date d’entrée en vigueur du dispositif.

Selon le conseil d’Etat, « ces dispositions [articles 71 et 72 de la loi Pinel] ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur » (CE, 24 novembre 2014, société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, 352402).

Cependant, la Cour de cassation, qui juge depuis longtemps que les commerçants ambulants titulaires d’un emplacement sur un marché municipal peuvent détenir un fonds de commerce auquel est attachée une clientèle susceptible de faire l’objet d’une cession (Ch. Commerciale, 7 mars 1978, n° 76-13.388), a considéré que ces dispositions étaient applicables aux fonds de commerce constitués avant leur entrée en vigueur (Ch. civ. 3, 4 avril 2018, n°17-10.466, à propos des voiliers du bassin du Jardin du Luxembourg).

Selon la Chambre commerciale (4 février 2014, 12-25528), il est possible d’être « détenteur d’un fonds de commerce auquel est attachée une clientèle bien que la concession d’un emplacement sur un marché municipal dont le commerçant était bénéficiaire fût un bien hors commerce, ni cessible, ni saisissable »).

Les collectivités locales ont donc la faculté d’admettre la présentation d’un successeur formée par un commerçant bénéficiaire d’un titre d’occupation du domaine public délivré antérieurement au 18 juin 2014, étant observé que le transfert d’une autorisation ou d’une convention d’occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire est possible dès lors que le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit (CE, 18 septembre 2015, Sté PREST’AIR n°387315) et ce nonobstant le caractère personnel des autorisations unilatérales (CE 10 mai 1989, n° 73146, Munoz) ou contractuels (CE 19 janv. 2011, n°323924, Commune de Limoges, Lebon T. 923).

3. Conditions d’application

Le commerçant doit présenter un titre écrit, en application de l’article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques suivant lequel « L’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire, et révocable, par la voie d’une décision unilatérale ou convention » et de la jurisprudence du conseil d’Etat suivant laquelle « une convention d’occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit »  (CE, 19 juin 2015, société immobilière du port de Boulogne, 369558).

Il appartient donc à la collectivité publique de délivrer un titre écrit préalablement à toute occupation du domaine public.

Le cédant doit bénéficier d’une AOT d’une ancienneté minimale dont la durée est fixée par la délibération municipale mentionnée à l’article L2224-18-1 du CGCT. La quasi-totalité des communes dont nous avons connaissance, ont fixé ce délai minimal à trois ans.

Le calcul de l’ancienneté risque de poser problème lorsque le cédant se prévaudra d’un titre dont il ne sera pas personnellement le titulaire (mais le fils, le frère, le neveu, le cousin, le mari, …)

Le commerçant doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

Lorsqu’une personne morale (SARL, SAS, …) exploite l’activité commerciale, il est loisible à l’autorité municipale gestionnaire du marché de transférer l’AOT à la structure sous réserve de s’assurer que son représentant légal, est immatriculé au RCS.

Délivrer l’AOT à la personne morale permet d’assurer la continuité de l’activité commerciale en cas de changement de dirigeant.

Le commerçant doit céder son fonds de commerce : c’est une condition sine qua non de l’exercice du droit de présentation.

Le repreneur doit donc exploiter le même type de commerce et commercialiser le même produit.

Il n’appartient pas à la Commune de contrôler l’existence du fonds de commerce ; en revanche, le repreneur peut contester la valeur du prix de cession, à l’appui d’une action dirigée contre le cédant, la Commune ne pouvant s’immiscer dans des relations commerciales de droit privé.

En effet, au cours des débats parlementaires, les députés ont considéré :

« Afin de garantir l’effectivité de ce droit, il est prévu que le gestionnaire ne peut refuser à la personne présentée comme successeur l’autorisation de s’établir à titre exclusif dans un emplacement du marché si elle est inscrite au registre du commerce et des sociétés et si elle exerce les mêmes activités que son prédécesseur » (Rapport AN, n°1739, 29.01.2014, p. 197)

Avant même l’entrée en vigueur des articles 71 et 72 de la loi Pinel, le juge judiciaire ne voyait aucune antinomie entre la notion de fonds de commerce et celle de domaine public (Com. 14 oct. 1965, Bull. civ. IV, n° 499 ; Civ. 3e, 19 mars 2003, n° 01-17.679, Bull. civ. III, n° 66 ; Civ. 3e, 18 déc. 2012, n° 11-28.251).

La Cour de cassation dissocie clairement droit au bail et fonds de commerce en jugeant que, « quelle que soit son importance, le droit au bail ne constitue pas, de plein droit, un élément nécessaire du fonds qui peut exister en dehors de lui » (Com. 27 avr. 1993, n° 91-10.819, Consorts Schertzer c/ Mme Walter, D. 1993. 129; RTD com. 1993. 488, obs. J. Derruppé). Si la précarité de l’occupation domaniale exclut, en l’état du droit, qu’un bail commercial puisse être conclu sur le domaine public, elle n’exclut pas l’existence d’un fonds de commerce. L’absence de droit au bail ne suffit par conséquent pas à écarter un tel fonds (Com. 17 sept. 2013, n° 12-16.209 ; Com. 28 mai 2013, n° 12-14.049, LPA 6 nov. 2013, note C. Humann ; Com. 4 févr. 2014, n° 12-25.528).

Le conseil d’Etat, en revanche, excluait la possibilité de constituer un fonds de commerce sur le domaine public, eu égard au caractère révocable et personnel, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire » (CE, 24 novembre 2014, société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, 352402 ; CE, 31 juillet 2009, Sté Jonathan Loisirs, n°316534).

Un commerçant non sédentaire exerçant sur le domaine public doit être présumé titulaire d’un fonds de commerce, puisqu’il justifie d’une clientèle propre, compte tenu de la nature et de la qualité de ses produits, de son savoir-faire, de son ancienneté, de son assiduité et aussi de son emplacement.

Sans l’envisager ni l’interdire, la loi PINEL laisse entière la question de savoir si un commerçant non sédentaire peut céder partiellement son fonds de commerce, en fonction notamment du lieu et/ou du jour du marché.

Plusieurs hypothèses doivent être distinguées à partir des exemples suivants.

  • un commerçant déballe les mardis, vendredis et dimanches sur un marché M1 de la Ville V.

Désireux de réduire son activité pour tout motif personnel (ou médical), ce commerçant décide de ne travailler que le dimanche. Il choisit alors de présenter au Maire un successeur X sur le marché du mardi et du vendredi, et le cas échéant, un successeur X pour le mardi, un successeur Y pour le vendredi.

Dans cette hypothèse, il y a lieu de considérer que le droit de présentation n’est recevable que si l’AOT est divisible, sachant que la question de la divisibilité du fonds de commerce ne relève pas de l’appréciation de la commune mais des deux commerçants, cédant et cessionnaires qui sont libre de s’accorder sur la conclusion d’un acte de cession partielle du fonds de commerce.

  • un commerçant déballe les mardis et vendredis sur un marché M1 et le dimanche sur un marché M2 de la Ville V.

Ce commerçant souhaite cesser son activité sur le marché M1 mais la poursuivre sur le marché M2.

Il semble que la situation soit plus simple que dans l’hypothèse ci-dessus car dans ce cas, il est probable que le commerçant bénéficie d’une AOT pou le marché M1 et une AOT pour le marché M2. Par hypothèse, les deux AOT étant distinctes, rien ne fait obstacle à ce qu’un commerçant puisse céder partiellement son fonds de commerce en vue de son exploitation sur un seul emplacement. Dans ce cas, le commerçant exercera son droit de présentation d’un repreneur d’une partie de son fonds de commerce.

  • un commerçant déballe le mardi sur un marché M1 de la ville V1 et le mercredi sur un marché M2 de la Ville V2

Dans ce cas, le commerçant peut exercer son droit de présentation devant le maire de chacune des communes V1 et V2.

4. Exercice du droit de présentation

4.1 A l’initiative du commerçant

En cas d’acceptation par le maire, le successeur est subrogé dans les droits et les obligations du cédant. Le titre initial est donc transféré au repreneur, avec les mêmes charges et conditions d’utilisation de l’emplacement : nature du produit vendu, localisation de l’étal, dimensions, durée de l’autorisation.

4.2 En cas de décès, d’incapacité ou de retraite du titulaire.

Ces hypothèses sont expressément prévues par l’article L2224-18-1 du CGCT.

Elle soulève plusieurs difficultés que seule la jurisprudence ultérieure permettra de résoudre.

1°) En cas de cession motivée par un départ à la retraite du titulaire de l’AOT, ce dernier peut parfaitement exercer son droit de présentation directement, sans qu’il soit transmis à ses ayants-droit. Dans ce cas, tout se passe comme si le commerçant faisait usage de son droit de présentation propre, tel que prévu au premier alinéa de l’article L2224-18-1 du CGCT.

2°) En cas d’incapacité ? La loi est muette sur le degré d’invalidité du commerçant. En revanche, on ne voit pas que la Commune puisse apprécier l’état d’invalidité du commerçant.

Il appartiendra donc au Maire de tenir pour acquis la reconnaissance du statut d’invalide constaté dans les formes prescrites par la législation en vigueur.

3°) Le droit de présentation est transmis à ses ayants droit qui peuvent en faire usage au bénéfice de l’un d’eux ?

La loi ne règle pas le problème de plusieurs ayants-droit qui se disputeraient le droit d’exercer le droit de présentation. Dans cette hypothèse, la Commune devra statuer sur le repreneur présenté par l’ayant-droit qui s’adressera à elle en premier, ou sur ce dernier qui peut décider de reprendre le fonds commerce, sauf aux autres ayants-droit de leur faculté de contester ce droit en justice pour faire valoir leur droit à exercer leur droit de présentation.

4°) Le droit de présentation doit être exercé dans un délai de six mois à compter du fait générateur.

Il conviendra de considérer comme fait générateur, la date du décès, la date à laquelle le commerçant aura fait valoir ses droits à la retraite (document de la caisse de retraite) et la date de notification du taux d’invalidité par l’organisme compétent.

A l’issue du délai de six mois, le maire a le droit d’attribuer l’emplacement dans les conditions prévues par le règlement de marché.

5°) En cas de reprise de l’activité par le conjoint du titulaire initial, celui-ci en conserve l’ancienneté pour faire valoir son droit de présentation.

La loi ne précise pas la nature du lien entre le commerçant et son conjoint.

S’agit-il du conjoint marié ? pacsé ? concubin notoire ? Là aussi, la Commune ne pourra s’immiscer dans des considérations d’ordre privé et devra s’en tenir, en l’absence de mariage ou de pacs, à une déclaration sur l’honneur. Cependant, en cas de décès, il sera malaisé pour le « conjoint » survivant d’établir sa qualité de concubin.

5. Conciliation de l’article L2224-18-1 du CGCT avec les règles de publicité et de mise en concurrence par l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017

Aux termes de l’article L2122-1-1 du CG3P issu de cette ordonnance, « Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ».

Le Député Patrick VIGNAL a interpellé le ministre de l’économie et des finances pour obtenir des précisions sur le combinaison du droit de présentation (L2224-18-1 du CGCT,) qui suppose un accord entre deux commerçants sur les conditions de cession d’un fonds de commerce et l’obligation qui pèserait sur les maires de publier la vacance de l’emplacement en cas de cession.

La position ministérielle est claire : « les nouvelles obligations de publicité et de sélection préalables prévues par l’article L. 2122-1-1 du CG3P ne s’appliquent pas aux hypothèses prévues par les articles L. 2124-34 du même code et L. 2224-18-1 du CGCT. En effet, la présentation d’un successeur intervenant dans le cadre de la cession du fonds de commerce, lorsqu’elle est acceptée par l’autorité gestionnaire du domaine public, ne donne pas lieu à délivrance d’un nouveau titre d’occupation du domaine public, le successeur étant subrogé dans les droits et obligations du cédant » (Question AN, n°6260, réponse publiée au JO du 4/12/2018 p. 11021)

Halles et marchés à l’épreuve du Covid19: Guide à l’usage des Maires depuis le déconfinement

Décret n°2020-548 du 11 mai 2020

Le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (ci-après le Décret) a été publié au JO du 12 mai. Il abroge les décrets n°2020-545 du 11 mai et n°2020-293 du 23 mars 2020.

D’emblée, il convient de préciser que le Guide méthodologique à l’usage des préfets et des maires pour prendre un arrêté dérogatoire d’ouverture des marchés couverts ou non, qui n’avait d’ailleurs aucune valeur réglementaire, n’est plus applicable, puisqu’il a été rédigé pour accompagner la mise en œuvre de l’article 8-III du décret du 23 mars 2020 abrogé depuis le 11 mai dernier.

Voici les dispositions du Décret applicables aux halles et marchés, alimentaires et manufacturés, suivies d’un commentaire pratique.

Article 1er du Décret

« Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes, dites « barrières », définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance.

Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures ».

Annexe1 à laquelle renvoie l’article 1er du Décret :

« Les masques doivent être portés systématiquement par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties ».

Conséquences :

1°) La distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes doit être respectée en tout lieu et donc, y compris sur les marchés couverts ou non.

2°) Si cette règle de distanciation physique ne peut être garantie, alors le port du masque est obligatoire.

Tel est le cas sur un marché.

Sur ce fondement, les maires sont fondés à rendre le port du masque obligatoire sur TOUS les marchés.

Article 7 du Décret

« Tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République ».

Conséquences :

Cette disposition ne s’applique pas aux activités professionnelles (sauf si le préfet le décide expressément et en raison de circonstances locales particulières : article 6 dernier alinéa).

Le seuil des 100 personnes posée par le décret du 23 mars 2020 est abrogé.

Le seuil des 10 personnes ne concerne pas les activités professionnelles.

Article 9-III du Décret :

Alinéa 1er : « Les dispositions du premier alinéa de l’article 7 ne font pas obstacle à ce que les marchés, couverts ou non, reçoivent un nombre de personnes supérieur à celui qui y est fixé, dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er et à prévenir, en leur sein, la constitution de regroupements de plus de dix personnes ».

Ce premier alinéa est venu confirmer expressément que le seuil des 10 personnes ne concernait pas les marchés.

L’accès aux marchés ne peut donc être limité en fonction du nombre de personnes (commerçants et clientèle) présentes simultanément.

Alinéa 2 : « Le préfet de département peut, après avis du maire, interdire l’ouverture de ces marchés si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place ne sont pas de nature à garantir le respect des dispositions de l’alinéa précédent ».

Cet alinéa 2 inverse le principe en vigueur entre le 24 mars et le 10 mai 2020 : désormais, la règle est l’ouverture des marchés.

Tous les marchés, alimentaires et manufacturés, sont donc par principe autorisés à ouvrir dans le respect des règles énoncés à l’article 1er et à l’annexe 1, à savoir :

« – se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon (dont l’accès doit être facilité avec mise à disposition de serviettes à usage unique) ou par une friction hydro-alcoolique ;

– se couvrir systématiquement le nez et la bouche en toussant ou éternuant dans son coude ;

– se moucher dans un mouchoir à usage unique à éliminer immédiatement dans une poubelle ;

– éviter de se toucher le visage, en particulier le nez, la bouche et les yeux.

Les masques doivent être portés systématiquement par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties ».

Toutefois, le préfet est seul compétent, après avoir recueilli l’avis du maire, pour interdire la tenue d’un marché s’il est en mesure d’établir que les conditions d’organisation et les contrôles mis en place, sont insuffisants pour garantir les mesures d’hygiène de l’annexe 1 et les règles de distanciation physique.

Il en résulte :

  • d’une part, que le Maire n’est pas compétent pour interdire la tenue d’un marché. Il ne peut que transmettre un avis au préfet lequel est seul habilité pour le cas échéant, par voie de dérogation au principe d’autorisation en vigueur, interdire la tenue d’un marché.
  • d’autre part, seul le préfet peut interdire un marché, sur avis (ou proposition du maire) et seulement dans la mesure où il est à même d’établir que les conditions d’organisation et les contrôles mis en place sont insuffisants pour garantir le respect des règles sanitaires de l’article 1er et de l’annexe 1.
  • de troisième part, ni le Maire, ni le préfet ne peuvent décider de réserver l’accès des marchés aux seuls commerçants alimentaires. En effet, l’article 8-III du décret du 23 mars 2020 qui visait les seuls marchés alimentaires, est abrogé. L’article 7 du Décret mentionne les marchés sans exclure les produits manufacturés.

Par suite, les commerçants non-sédentaires commercialisant des produits manufacturés doivent donc être admis sur les marchés, couverts ou non.

Article 9-IV du Décret:

« IV. – Pour les activités qui ne sont pas interdites en application du présent article, l’autorité compétente, respectivement pour les parcs, les jardins, les espaces verts aménagés dans les zones urbaines, les plages, les plans d’eau, les lacs, les centres d’activités nautiques, les ports de plaisance et les marchés informe les utilisateurs de ces lieux par affichage des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ».

Conséquences :

Il appartient au Maire d’assurer, par tout moyen, l’information de la clientèle des marchés :

  • d’une part, du nécessaire respect des mesures d’hygiène (annexe 1 du Décret) et de distanciation physique (article 1er du Décret).
  • d’autre part, du port obligatoire du masque sur l’ensemble du marché dans la mesure où la règle de distanciation physique ne peut être garantie à tout moment.

Responsabilité des constructeurs: l’étendue du préjudice réparable

Civ. 3ème, 14 mai 2020, pourvoi n°19-16.278 (P+B+I)

Que demander au constructeur responsable de malfaçons ? Refuser de régler le prix du marché ? Demander des dommages et intérêts ? L’un ou l’autre, mais pas les deux nous rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt.

A la suite de malfaçons affectant la construction d’un escalier extérieur, le maître d’ouvrage avait obtenu la condamnation de l’entreprise au paiement de dommages et intérêts réparant l’ensemble des conséquences dommageables. Mais le jugement avait par ailleurs rejeté la demande de l’entreprise en paiement du solde des travaux.

Ainsi, le maître d’ouvrage avait obtenu deux fois la réparation du même préjudice : d’abord en étant dispensé du paiement de la totalité du prix, ensuite par l’allocation de dommages et intérêts lui permettant de faire exécuter les travaux par une autre entreprise…

Le jugement est logiquement censuré, pour avoir méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice, qui est un fondement du droit français de la responsabilité civile. Il s’agit de réparer tout le préjudice, mais rien que le préjudice.

Au passage, la Cour de cassation rappelle également que le juge ne peut, comme il l’avait fait en l’espèce, se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important que l’expertise ait été réalisée en présence de l’autre partie. Il faut donc une expertise judiciaire ou, à défaut, un

En pratique, il importe de délimiter clairement le préjudice réparable du fait de la responsabilité du constructeur pour engager l’action à l’encontre de ce dernier.